Être bouché dur
Cette semaine nous examinons une expression. Quand j’entends une nouvelle expression, j’effectue des recherches pour en découvrir le sens, l’origine. Quelqu’un aurait dit justement que « Pour comprendre un peuple, il faut connaitre sa langue et toute son originalité. Chaque mot, chaque expression est un précieux héritage des ancêtres. »
L’idée du titre de cette médiation me vient d’une discussion que nous avons eu dans un groupe de prière du matin alors que nous lisions dans l’Évangile de Marc. L’expression québécoise « bouché dur » a été utilisée pour désigner les Pharisiens qui ne semblaient pas du tout comprendre ou vouloir comprendre les enseignements de Jésus. Ainsi je me suis mis à faire une petite recherche sur l’origine de cette expression. On sait évidemment que lorsque quelque chose est bouché, cela veut dire fermé, bloqué. Mais je voulais aller loin pour voir comment, au sens figuré ou comme une métaphore, cette expression peut vraiment correspondre à l’attitude des Pharisiens face aux enseignements de Jésus et par extension, à nous dans la vie de chaque jour ; par rapport à la parole de Dieu.
J’ai découvert que si au Québec on parle « d’être bouché dur », en France on emploi l’expression « bouché à l’émeri » qui veut dire : obtus ; borné ; incapable de comprendre ; bête à manger du foin. L’origine de l’expression française remonte à la toile émeri, qu’il ne faut pas confondre avec le papier de verre. L’émeri est un matériau très dur qui sert d’abrasif depuis de nombreux siècles, le genre de produit avec lequel il est plutôt déconseillé de nettoyer son écran de télévision. L’émeri n’est en aucun cas un produit de bouchage, comme le plâtre ou le liège, par exemple. Alors pourquoi dit-on bouché à l’émeri ?
Autrefois, pour qu’un récipient, flacon ou fiole en verre soit bouché de la manière la plus étanche possible, on polissait à l’émeri l’extérieur du bouchon et l’intérieur du goulot, pour que le contact entre les deux soit le plus parfait possible. Une fois qu’on sait cela, on est un peu plus à même de comprendre la métaphore de l’expression.
Quand on dit de quelqu’un qu’il est « bouché » au sens figuré, c’est non seulement pour dire que la nature ne l’a pas trop gâté sur le plan intellectuel, mais aussi pour signifier qu’il est complètement hermétique, au sens où aucune once d’intelligence ne peut y entrer, où il est quasiment impossible de lui faire comprendre quelque chose. Être bouché dur ou à l’émeri est comparable à ce récipient étanche duquel rien ne peut sortir, mais dans lequel rien ne peut y entrer non plus.
Je pense que l’Ancien Testament utilise un langage similaire avec le mot quasheh ([kaw-sheh’]) traduit par « dureté de cœur », « endurcissement », « avoir le cou raide » comme dans Exode 32 :9 « L’Éternel dit à Moïse : Je vois que ce peuple est un peuple au cou raide » (Quasheh).
Cette attitude caractérise les Pharisiens tout au long de la vie de Jésus. Par exemple dans l’Évangile de Marc, Jésus connaît la dureté du cœur des Pharisiens concernant la guérison le jour du sabbat, c’est pourquoi il demande s’il est permis d’accomplir des œuvres salutaires telles que la guérison d’une maladie qui ne met pas la vie en danger, le jour du sabbat (3 :2-4). Sa guérison de l’homme démontre qu’il est licite d’apporter une guérison ou des soins médicaux le jour du sabbat, même si ceux-ci ne sont pas nécessaires pour sauver une vie. Cela cadre bien avec sa déclaration selon laquelle le sabbat a été institué pour le bien-être de l’homme (2 :27), ainsi qu’avec le fait que le repos réparateur prescrit le jour du sabbat, est analogue aux soins réparateurs des blessures et des maladies (voir Ex. 20 :8-11). Bien que la réponse à la question de Jésus soit évidente si l’on étudie honnêtement la loi de Dieu, les Pharisiens refusent de répondre. Ils refusent de dire : « Oui, il est permis de guérir le jour du sabbat », parce que cela signifierait reconnaître l’autorité du Christ sur ce jour, et ils refusent de dire : « Non, il est interdit de guérir le jour du sabbat », parce qu’ils savent que leur principe est erroné. Une telle dureté de cœur, qui refuse de confesser une erreur connue, témoigne d’une méchanceté profonde et authentique difficile à comprendre, et il n’est pas étonnant que Jésus soit furieux contre ces hommes bouchés dur, à l’émeri (Marc 3 :5).
Qu’en est-il de nous ? Sommes-nous parfois bouchés dur à la parole de Dieu ?